Les végétariens forment un lobby.

Un lobby est une structure organisée en vue de défendre les intérêts d’un groupe donné. Pour cela, il procède à des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives et, plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics. En ce sens, toute association ou groupement qui entreprend des actions de communication peut bien évidemment être qualifié de lobby.

Pourtant, l’existence et l’influence d’un « lobby végétarien » sont largement fantasmées et font partie des éléments de langage émanant des véritables lobbies de l’exploitation animale (le Centre d’information des viandes, Interbev, CERIN…) qui ont, quant à eux, des moyens financiers et des appuis politico-médiatiques sans commune mesure. Les végétariens constituent un groupe très divers ; seule une minorité d’entre eux milite activement au sein de petites structures à but non lucratif financées par leurs adhérents, et menées par des passionnés (en France, l’Association végétarienne de France compte quelques milliers de membres à peine, et L214, un gros millier).

Les végétariens, à l’inverse des industries agro-alimentaires, n’ont pas d’intérêts économiques à défendre. Ils n’ont rien à gagner mais militent, avec les moyens qu’ils ont, pour une prise de conscience éthique.

Les végétariens sont minoritaires, ont un poids économique dérisoire, pas ou peu de visibilité médiatique, pas ou peu de relais politiques. Ils sont en réalité bien peu de choses face à la force de frappe des filières viandes et laitières et plus généralement des industries agroalimentaire et pharmaceutique qui fondent leurs pratiques et leurs rentes sur l’exploitation animale.

Lorsqu’on évoque un prétendu lobby végétarien, on fait souvent référence à l’association Peta, la plus grande organisation de défense des animaux (2 millions d’adhérents au niveau mondial). Peta reste une exception et tous ses adhérents ne sont d’ailleurs pas végétariens. Ses modalités d’action ne font pas l’unanimité parmi les végétariens et sont largement débattues. En 2012, les revenus de cette association s’élevaient à 31 millions de dollars (financés par les adhérents) et la somme consacrée aux actions de communication avoisinait les 14 millions de dollars. Si cette somme peut sembler importante, rapportée à une année entière et à l’échelle mondiale, elle est en fait relativement faible.

À titre de comparaison, un des plus gros groupements pharmaceutiques internationaux, PhRMA, consacre 188 millions de dollars par an à sa seule activité de lobbying (auxquels s’ajoute le financement de campagnes politiques et autres). Surtout, en comparaison des moyens mis à la disposition des lobbies de l’agro-alimentaire, l’impact d’un budget communication comme celui de Peta est négligeable : par exemple, Interbev pouvait consacrer en 2012 un budget de 700 000 euros à une seule campagne publicitaire au niveau national. L’interprofession nationale porcine dépense à elle seule 3 millions d’euros par an en campagnes. En 2013, Label Rouge en lancera une d’1,5 millions d’euros. Même montant pour Bigard.

Au-delà des campagnes ponctuelles des associations interprofessionnelles, c’est l’ensemble de l’industrie agroalimentaire (producteurs, distributeurs) qui se livre à un matraquage publicitaire permanent, tous médias confondus, et façonne ainsi l’opinion des consommateurs. Il ne faut pas se tromper : le véritable lobbying qui pèse lourdement sur l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques (condition animale, santé publique…) est bien celui mené par les industriels qui cherchent à protéger leurs rentes.

De plus, là où les campagnes végétariennes visent à informer, les campagnes des associations interprofessionnelles en faveur de la viande se revendiquent promotionnelles et vont jusqu’à infiltrer les écoles, comme ce fut le cas d’une campagne du CIV en 2010, “Bien manger, c’est ton choix !”, lors de laquelle des kits d’affiches et de dépliants mettant largement en valeur la viande furent distribués aux infirmières scolaires. Contrairement aux rares et discrètes campagnes d’information sur le végétarisme ou en faveur du respect des animaux, la stratégie de communication de la filière viande est particulièrement offensive, multiplie les supports et les cibles et joue clairement sur l’imaginaire collectif, validant les stéréotypes. Elle est bien souvent dénuée de tout argument nutritionnel ou rationnel sérieux (« le fromage, mangez-le avant les autres ! » ou « le bœuf, le goût d’être ensemble »), et tente de faire renaître le mythe protecteur de la viande.

Le CERIN dont les communiqués sont largement repris par la presse, qui s’affiche comme un « centre de recherche et d’information nutritionnelles », est en réalité le « département santé de l’interprofession des produits laitiers ».  Or, le secteur laitier aurait proportionnellement un budget publicité 27 fois plus élevé que celui de l’industrie de la viande.

Cas Sodexo : En 2012, La Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles (FNSEA), principal syndicat agricole, fait censurer une campagne du groupe Sodexo qui alertait sur l’impact écologique de la consommation de viande.

Euralis, géant du foie gras, a tenté de faire interdire la diffusion d’images tournées par l’association L214 dans ses ateliers de gavage.

Le documentaire Les alimenteurs témoigne de l’infiltration et de l’efficacité des lobbies de l’agroalimentaire au sein du Parlement européen. On y apprend qu’il y a plus de lobbyistes que de parlementaires (20 000 lobbyistes pour 736 députés) au sein du Parlement européen. Ce sont eux et les puissances d’argent qui les emploient, qui influencent ministres et représentants et façonnent à leur convenance les politiques publiques.

Au-delà des acteurs économiques, on constate qu’une poignée seulement de députés et sénateurs se prononce en faveur d’un traitement éthique des animaux et contre les pratiques indignes, ce qui est loin de constituer un lobby. À l’inverse, les rangs des groupes d’études parlementaires sur la chasse ou la tauromachie sont bien fournis.

 

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